jeudi 2 septembre 2010

Edouard BALLADUR : 2012 ne sera pas 2007

En ce jour de rentrée scolaire, je souhaite partager avec vous l'excellente tribune d'Edouard BALLADUR, Ancien Premier ministre, publiée dans les colonnes du Figaro à la fin de l'été (le 26 août 2010), sur la situation politique actuelle.
Vous trouverez dans ces lignes la solution aux maux de notre société. Une pensée claire, une vision, une volonté de rassembler les Français.
Vous comprendrez mieux la fierté qui est la mienne d'avoir servi pendant plusieurs années ce grand homme d'Etat.


2012 ne sera pas 2007
par Edouard BALLADUR, Ancien Premier Ministre

Le monde change plus vite encore que prévu. La mondialisation a rendu générales les conséquences de la crise financière. La France, comme l’Europe, a peiné : la croissance insuffisante, le dynamisme essoufflé, le chômage croissant, les déficits publics aggravés, la société déchirée par la tension des esprits. Durant trois années, de nombreuses réformes ont été accomplies, les engagements pris tenus. D’autres sont indispensables, la France n’est pas encore tirée d’affaire.

La situation en 2012 sera bien différente de ce qu’elle était en 2007 : le pouvoir sortant était déclinant, l’actuel est encore plein d’ambition ; l’espoir de retrouver une activité plus forte grâce à de profondes réformes était alors raisonnable. Il faut aujourd’hui surmonter les effets d’une crise mondiale qui a tout aggravé ; il s’agissait de clore une période en présentant un projet nouveau. Il s’agira de justifier un bilan mais aussi d’imaginer un programme pour les années suivantes.

Ce ne sera possible que grâce à l’adhésion des Français, en mettant fin à des ambiguïtés qui pourraient donner à penser qu’on additionne des contraires : le rôle économique de l’État doit-il être magnifié, ou bien faut-il s’inquiéter de l’explosion des déficits publics et y porter remède en mettant en œuvre la rigueur budgétaire ? Le modèle social français, le plus avancé au monde nous dit-on, nous a-t-il aidés à ne pas sombrer trop profondément dans la crise, ou bien en retarde-t-il la sortie ? Faut-il le modifier ou le maintenir intangible ? Faut-il libérer les énergies pour retrouver le dynamisme, ou considérer comme définitif l e fait que la France consacre 35% de la richesse produite chaque année au financement de l’État-providence ? Peut-on espérer sortir du chômage structurel autrement que par l’allocation de fonds publics colossaux et, comme on l’a dit, payer pour ne pas réformer est-il un luxe que la France peut encore se permettre ? Comment concilier le renforcement de l’identité et de la cohésion avec la nation avec l’éloge de la diversité et les égards envers les particularismes de tous ordres ? Y a-t-il de nouveaux abandons de souveraineté que les États européens doivent consentir à leur Union afin que celle-ci soit enfin reconnue comme un acteur majeur dans les affaires du monde ?

On doit choisir tout en rejetant les conformismes de pensée, de droite comme de gauche. La préparation du grand débat de 2012 suppose que, dans les mois qui viennent, un certain nombre d’initiatives soient prises et de directions marquées.

Sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, l’actuel gouvernement a fait œuvre utile et entrepris des réformes importantes dans de nombreux domaines. On doit lui en savoir gré. Commence une période nouvelle, où il faut à la fois veiller à la mise en œuvre de ce qui a été décidé, améliorer le bilan qui sera présenté aux Français en 2012 et définir les réformes à accomplir durant le prochain quinquennat.

Pour cela un gouvernement profondément renouvelé est nécessaire, qui ait le temps de faire ses preuves dans les dix-huit mois qui viennent, un gouvernement resserré et comportant de fortes personnalités dont on ne doit redouter ni l’influence ni le prestige, bien au contraire. Il est souhaitable de maintenir l’ouverture, indispensable au plus large rassemblement possible, dès lors qu’il a fait appel à des personnalités dont la compétence et l’autorité sont reconnues, et qu’elle ne conduit pas, par souci de compromis, à un mixage de politiques contradictoires.
Quant aux actions indispensables, dont beaucoup ont déjà été engagées, pour sortir la France de la difficulté, l’effort doit être encore accentué.

Avant tout, il faut retrouver la croissance économique, dont le taux de progression, le plus élevé d’Europe en 1975, n’a cessé depuis de baisser, en raison des déficits publics, des prélèvements trop lourds, de la perte de compétitivité, de l’affaiblissement de l’industrie. La diminution des déficits et de l’endettement est engagée, elle doit être poursuivie. Peut-on y parvenir par la réduction des dépenses ou par l’augmentation des impôts, volontiers présentée comme « inéluctable » ? Le plus dangereux pour la croissance, c’est la hausse des impôts ; souvent ceux qui la préconisent redoutent que la diminution des dépenses publiques ne rende obligatoire la réforme du système économique et social français, qu’ils souhaiteraient sacraliser. C’est la réduction des dépenses qui est prioritaire, même si la réduction des niches fiscales est nécessaire et s’il serait vraiment souhaitable de remettre en cause certains abaissements de TVA, par exemple dans la restauration ; rappelons que les comptes publics comportent des dizaines de milliards d’euros de subventions et d’allocations de tous ordres, à l’utilité souvent contestable, tels les 20 milliards alloués aux entreprises en contrepartie de l’obligation, que l’on croyait abolie, de ramener la durée du travail à 35 heures, sans parler de la suppression de la publicitéà la télévision publique, compensée par des subventions budgétaires.

La réforme de l’État-providence est une urgente nécessité. Le poids des transferts sociaux est l’un des plus lourds au monde. Aujourd’hui, la plupart des nouvelles mesures présentées comme un progrès social sont financées par des dettes publiques supplémentaires ; du coup, la compétitivité des entreprises est atteinte, la croissance régresse, l’emploi faiblit. Il faut rejeter résolument le recours à certaines habitudes du passé, où les campagnes présidentielles ont été des modèles de démagogie à effet électoral immédiat heureux pour leurs auteurs, à effet désastreux à moyen terme pour le pays. Nous supportons lourdement les conséquences de l’abaissement de l’âge de la retraite et de la durée du travail. Adoptons un principe : aucune mesure sociale nouvelle, y compris en matière de dépendance des personnes âgées, ne devrait entraîner de prélèvement public supplémentaire, comme ce fut le cas pour le RSA, mais plutôt être financée par des économies sur d’autres catégories de dépenses sociales.

Nous ne sortirons pas de l’impasse dans laquelle nous ont enfermés des décennies de facilité sans le relèvement du temps de travail, la rationalisation des aides sociales dont certaines n’ont plus guère de justification. Imitons le courage des Allemands, dont on constate aujourd’hui les heureux effets. C’est un effort énorme à accomplir, toute la mentalité diffuse dans la société française à changer. Si le même changement de mentalité permet de prendre les mesures nécessaires pour favoriser la création d’entreprise, l’investissement, l’innovation, la formation, la recherche afin que le dynamisme de chacun puisse s’exprimer librement, alors l’augmentation de la production et de l’emploi sera au bout du chemin.

Depuis des années, le respect des droits de la personne et des libertés fait l’objet de constantes polémiques. Il n’est que temps d’y mettre un terme, de faire en sorte que notre système judiciaire bénéficie à la fois d’une durable stabilité et de la plus large adhésion, qui permette d’assurer la liberté et la sécurité de tous dans des conditions plus satisfaisantes. Mais il y a tout aussi urgent : le respect des personnes doit cesser d’être menacé par les techniques modernes de diffusion instantanée d’informations souvent fausses, et jamais démenties par leurs auteurs. C’est un risque à l’échelle du monde entier. Il y aurait là matière à une concertation nationale puis internationale qui, menée de bonne foi, permettrait de mieux protéger la dignité de chacun.

La société française vit actuellement une crise d’identité. Elle se sent menacée par le déclin économique, le chômage, l’insécurité, l’affaiblissement de l’adhésion à la nation et à ses valeurs de toujours. Du coup, l’immigration excessive est mise en cause, qu’elle provienne de pays d’Europe ayant adhéré à l’Union lors d’élargissements hâtifs et mal organisés, qui font bénéficier leurs habitants de la liberté de circulation, ou qu’elle provienne de pays africains et musulmans aux mœurs et aux croyances différentes de celles traditionnelles et le plus communément pratiquées en France comme en Europe. Ce sont des faits, on peut les rappeler sans être suspecté de jeter le discrédit sur quiconque ou de porter atteinte aux droits de l’homme.

Aucun remède à cette dangereuse situation n’est simple, ni évident, ni unanimement accepté. Il est nécessaire et difficile d’accueillir à la fois un certain niveau d’immigration et de préserver la personnalité traditionnelle de la nation, de conjuguer l’organisation d’une certaine forme de discrimination positive pour mieux favoriser l’intégration et l’application de la tolérance zéro à ceux qui enfreignent la loi commune. Le droit et le devoir d’intégration des hommes issus de l’immigration doit prendre le pas sur l’apologie de la diversité. On est effaré que certaines institutions publiques puissent préconiser qu’afin d’éviter tout soupçon de discrimination, les livres d’histoire cessent de mentionner que les Français ont longtemps été et sont encore en majorité de confession catholique. Voudrait-on alimenter des réactions xénophobes qu’on ne ferait pas mieux.

Cela étant, il faut garder un esprit de mesure, et éviter les exagérations portant atteinte aux traditions de liberté et d’universalisme qui font le prestige de la France dans le monde : il est utile de contrôler mieux, voire de limiter si nécessaire l’immigration ; il est légitime de déchoir de la nationalité française comme c’est déjà prévu par la loi ceux qui l’ont récemment acquise et qui commettent des crimes particulièrement odieux, à la condition qu’une éventuelle extension du champ d’application soit limitée à des cas strictement définis, exceptionnels et pleinement justifiés ; il est souhaitable de réexaminer certains cas d’acquisition automatique de la nationalité et de les remplacer, quand cela est possible, par une manifestation personnelle de volonté.

Mais, c’est un autre sujet, je suis tout à fait hostile à la responsabilité pénale des parents à raison des délits commis par leurs enfants mineurs, elle serait contraire à toute la tradition libérale française qui proscrit la responsabilité du fait d’autrui ; je n’aperçois pas non plus sur la base de quels fondements juridiques et de quels critères incontestables on pourrait sanctionner des maires auxquels il serait fait reproche de ne pas assumer leurs obligations en matière de sécurité. Pour le coup, gardons la mesure.

En Europe occidentale, les opinions publiques se crispent, l’inquiétude sur la pérennité des traditions nationales se répand. Il faut répondre à cette inquiétude en s’attachant à garantir à la fois la liberté individuelle, l’ordre public, la sauvegarde de la nation.

Trop souvent, l’Union européenne donne l’image de l’infirmité, peinant à dégager une volonté commune pour peser davantage sur les affaires du monde. Le pouvoir est disséminé entre des institutions rivales, émietté entre des États membres trop nombreux et pas tous décidés à progresser ensemble alors qu’ils doivent prendre des décisions essentielles à l’unanimité. L’imagination et le dynamisme de l’actuel président français masquent un peu la réalité, il a réussi ces dernières années à rassembler les Vingt-Sept dans des circonstances difficiles, permettant ainsi à l’Europe de s’affirmer davantage.

Mais il faut songer à des solutions durables : l’Union européenne doit-elle devenir un centre de décision véritable, pour faire jeu égal avec les trois ou quatre autres existant dans le monde, ou doit-elle demeurer un espace de concertation à décision lente et confuse, habilité simplement à décider pour un grand marché économique ? Dès lors, la France, à laquelle l’Union apporte un surcroît d’influence, doit-elle, ne comptant plus que sur ses seules forces, se résigner à voir cette influence s’affaiblir ? Pour commencer, il serait temps de différer tout nouvel élargissement, aussi bien de l’Union que de la zone euro ; d’étendre la règle de la majorité, comme c’est déjà le cas en matière monétaire, à des domaines nouveaux, en tout cas entre les États décidés à aller de l’avant ensemble.

L’Europe à vingt-sept ne peut fonctionner de façon homogène et efficace si l’on ne revoit pas également les règles de pondération affectant les votes de chaque État, là aussi, c’est le principe de réalité qui doit l’emporter. Mais qui ne voit la gravité des décisions à prendre, qui seront considérées comme une brèche nouvelle dans le principe de la souveraineté nationale ? Choix difficile, qui, d’ores et déjà, doit être réfléchi, débattu.

La nécessité de la coordination financière et économique qui se pose à l’échelle du monde, de la création d’un système monétaire international stable et équitable, dont il va être discuté en 2011 à l’initiative du président français, pose des questions voisines. Si l’on veut éviter des crises à répétition, on doit se mettre d’accord pour adopter des règles communes, et accepter qu’une autorité mondiale veille à leur respect et sanctionne les excès. Nous sommes loin du compte.
Beaucoup de réformes ont été faites depuis 2007, avec grand mérite. Celles qui restent à faire sont au moins aussi importantes.
Est-il possible de susciter l’adhésion des Français en période électorale ? Je le crois. Échaudés par tant de déceptions, par le remaniement de tant de promesses, les Français n’ont pas oublié combien certaines campagnes électorales du passé ont été marquées par une démagogie sans frein, ils ont soif de sincérité. On peut les rassembler sur la vérité. Il faut leur proposer une ambition qui les exalte, les appeler à un esprit de conquête afin que notre pays surmonte les travers qui risquent de l’enfoncer dans l’enlisement, les inciter à voir la réalité du monde telle qu’elle est, à aimer suffisamment leur pays pour se sentir responsables de son destin. Il est souhaitable d’en prendre le risque.

1 commentaire:

  1. Et la baisse des impots et prélévements obligatoires, c'estpour quand ?

    http://leparisienliberal.blogspot.com/2010/09/pas-elu-pour-augmenter-les-impots-suite.html

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